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37,2 le matin…

Ce n’est pas simplement le titre du livre de Philippe Djian mais bien la température de la matinée à Yangon.

Ce matin comme presque tous les matins, les moines défilent en espérant récolter quelques denrées. Pieds nus en file indienne marchant en silence, ils s’arrêtent devant les maisons et nombreuses sont les personnes qui sont déjà prêtes avec un bol de riz, un peu de viande ou quelques légumes. Cette tradition perdure. Les moines ne peuvent pas mendier mais simplement ils peuvent profiter de ce qu’offre la population. Ensuite de retour au monastère cette nourriture est alors partagée entre eux et ils pourront alors manger ensemble pour midi et plus rien de solide ensuite jusqu’au lendemain. Ils ne pourront consommer que du liquide de l’eau, du thé ou du bouillon léger, mais aucun aliment solide.

Il y a aussi les nonnes qui font la même chose mais il y en a beaucoup moins et souvent elles viennent se présenter aux portes par petits groupes de 4-5 et entament des prières. Les habitants offrent de la nourriture mais pas nécessairement des plats cuisinés contrairement aux moines. Les filles et donc les nonnes savent faire la cuisine. Elles ne défilent pas chaque jour, elles sortent beaucoup moins de leur monastère et préparent des repas pour plusieurs jours.

Et puis il y a aussi une autre sorte de quêteurs : les « moin…hommes » qui se présentent tous les jours sans distinction de sexe et ils chantent de belles mélodies propres à chaque « clan ». Et c’est avec plaisir qu’ils reçoivent les miettes du petit déjeuner. Ils sont un peu craintifs mais reviennent chaque jour inlassablement et toujours aussi affamés d’un jour à l’autre.Bientôt la chaleur sera vraiment intenable et pour rafraichir tout ça il va y avoir la fête de l’eau. Cette fête s’appelle Thingyan c’est le nouvel an birman. Une fête très populaire !

On fait la fête en s’arrosant d’eau avec des pistolets, des bouteilles, des tuyaux ; l’eau dégouline de partout. Les gens dansent et chantent dans les rues. Jusque dans les moindres villages, on construit des plateformes provisoires en bambou où se tiennent des concerts, des spectacles de danses très colorées, le zatpwe, auxquels participent vedettes de cinéma et chanteurs pop.   Dans les villages c’est très chouette par contre a Yangon ça devient un peu trop extravagant et tout est devenu payant. On installe de solides gradins dans certaines rues et des podiums pour accueillir des chanteurs ou des DJ. Dans les autres grandes villes également tout comme à Yangon, on organise cette fête de manière un peu trop extravagante ; tous les ustensiles permettant de lancer de l’eau sont autorisés ! Chaque entreprise ou organisation a sa plateforme tandis que les habitants défilent à pied, en moto, en voiture, à vélo et arrosent ou se font arroser dans une joyeuse cacophonie ! Des chars transportant des orchestres et des dizaines de participants s’arrêtent devant les plateformes pour donner la réplique en chansons !

Les 5 jours du festival sont un formidable exutoire pour tous : alcool, défoulement, drague, tenues vestimentaires plus osées, farces en tout genre… tout est permis ! Attention néanmoins aux jets puissants qui causent parfois des accidents ! Hélas maintenant, il  faut payer très cher sa place. On ouvre les bouches d’incendie : c’est devenu un grand gaspillage d’eau et une fête onéreuse qui rapporte beaucoup d’argent aux organisateurs. On est bien loin de cette fête qui était alors bon enfant et un moment de plaisir, où tous les Birmans avaient accès gratuitement.

Les aspersions d’eau ne commencent vraiment que le deuxième jour. Celles-ci se perpétuent dans les régions rurales de la manière traditionnelle : dans les pagodes on répand l’eau parfumée d’un bol d’argent à l’aide d’un rameau, pour laver les péchés de l’année écoulée. Les temps changent…J’ai connu cette fête il y a une dizaine d’années a Kentung, une région du nord-est de la Birmanie. On s’est vraiment bien amusés, enfants, adultes, locaux et touristes tout le monde festoyait ensemble. On riait, chantait et dansait au rythme endiablé de la musique comme des enfants. Un bon et lointain souvenir.

Le festival Thingyan, puise ses origines dans le mythe hindou de Ganesh, marque le passage à la nouvelle année bouddhique à la mi-avril et correspond au début des vacances d’été. Le premier jour, les Birmans doivent respecter 8 préceptes, dont le jeûne partiel. La tradition veut que l’on verse de l’eau parfumée (ce n’est actuellement plus le cas) sur la tête des statues de Bouddha et que l’on fasse des offrandes aux moines. Autrefois, on lavait délicatement les cheveux des rois avec une eau pure et spéciale qui leur conférait la puissance.

Après mon repas du matin, un petit tour au marché et chez la couturière. J’ai acheté quelques tissus afin de me faire confectionner quelques vêtements légers. Les tissus multicolores aux textures multiples sont poussés dans tous les coins des boutiques et s’entassent par centaines, il est très difficile de faire un choix. J’aurais bien dévalisé tout le magasin mais il faut parfois être raisonnable ! Mais je suis certaine que je trouverai aussi mon bonheur dans une autre boutique, en plus elles sont tellement abondantes ici qu’ on a vraiment l’embarras du choix. Il y a aussi le très célèbre Scott Market (ou Bogyoke Market) : la caverne d’Ali Baba ! Mais il y a encore plus grand, un gigantesque marché couvert rempli d’échoppes multicolores. Des milliers de choix d’étoffes ; soie, coton indien, coton japonais, tissus birmans, synthétiques, unis ou imprimés.  Un coupon d’un yard coûte entre 1000 et 5000 kyats ( 1000 Ks = 0,70 euro) en fonction de la qualité du tissu et de la matière. Avec 2 yards on peut me confectionner une blouse, avec 3 une petite robe coquette.

J’ai trouvé dans la rue principale de mon quartier une couturière, elle a une simple devanture de quelques mètres carrés et 4 ou 5 jeunes filles y travaillent avec elle. On pique, on coud, on brode, on file, on enfile, on coupe… De petits doigts de fées s’agitent dans un ballet cadencé au son des machines à coudre mécaniques. Machines anciennes qui ressemblent plus à de vieilles locos. Toujours le sourire aux lèvres, le travail des jeunes filles s’enchaîne et ne s’arrête que tard dans la soirée. Après 4 jours je peux déjà aller rechercher mes blouses. De petites merveilles. Il faut que je trouve d’autres modèles à me faire confectionner… Je vais devenir une cliente fidèle.

En revenant, je me suis attardée quelque peu sur la marché. De nombreux étals  installés dans les petites rues et ruelles qui jouxtent la grande rue principale, débordent de marchandises. Les légumes côtoient les tongs, plus loin des tissus se superposent à des médicaments, des épices se mélangent aux odeurs d’encens de la pagode toute proche, du thé à côté de la pâte de poissons, des poissons frais de la pêche du matin, des poulets éventrés en pleine chaleur laissent entrevoir leurs entrailles déjà convoitées par les mouches. Ici on vend tout et tout s’achète, les têtes de poissons constituent un mets très apprécié ici et se préparent dans une soupe, les abats sont consommés surtout par les chinois, du boudin noir fait maison se retrouve par terre sur du papier journal… On n’a plus très faim après le tour du marché.

On se croirait presque dans un village, loin de la ville en tout cas, on est vite à nouveau dans la réalité de la ville dès que l’on rejoint la rue principale, le trafic, les embouteillages, la pollution, la foule qui grouillent de partout, les coups de klaxon des cyclopousses. Des éboueurs et balayeurs sont omniprésents mais les trottoirs et rigoles sont toujours encombrés de déchets. Les bennes à ordures et les petites poubelles débordent. Il y a hélas de plus en plus de sacs en plastique, des boîtes en frigolite, un vrai désastre écologique. Beaucoup de détritus s’envolent, se retrouvent dans les cours d’eau ou s’amoncellent sur les talus. Naguère tout était emballé dans des feuilles végétales comme des grandes feuilles de bananiers ou les gens venaient aussi avec un récipient métallique ou en bambou, mais ce temps-là est révolu. Modernité, facilite et rapidité.

Un arrêt, une pause non  pas pour boire un verre mais juste pour laisser passer le train. Un  « TGV » train à grande vibration qui roule à une allure folle… ment lente et qui s’arrête a toutes les gares.