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Le Chinlone, un sport ancestral en voie de disparition ?

Un terrain de badminton, des acrobaties proches de celles du kung-fu, un ballon ressemblant à celui du volley, mais frappé avec les pieds comme au football… Vous l’avez ? C’est bien le chinlone ! Un sport très prisé de la population asiatique pour son aspect convivial, mais aussi car il ne nécessite, dans sa version la plus simple, qu’une balle. La Birmanie y est 5ème au rang mondial en terme de médailles, avec 9 en argent et 10 en bronze.

Si ce sport est le fruit d’une longue tradition en Asie, difficile cependant de tracer son origine avec précision. Malaisiens comme Thaïlandais affirment qu’il est issu de leur pays. Le chinlone y est d’ailleurs appelé sepak takraw, mélange entre le malais « sepak » pour « frapper (dans un ballon) », et le thaï « takraw » pour « ballon tissé », dans un compromis des deux nations concurrentes pour s’arroger son ascendance. Le chinlone (mot décidément bien plus simple à retenir que le complexe sepak takraw) revêt une importance particulière dans la culture sud-est asiatique. Si ses traces remontent jusqu’au XVème siècle, il a très peu évolué, si ce n’est qu’il se joue aujourd’hui jusqu’en compétition nationale voire internationale, et avec des équipements plus modernes.

Le principe est simple : deux équipes séparées par un filet s’affrontent en se lançant une balle tressée tout en tentant de la maintenir en l’air le plus longtemps possible, avec l’aide des pieds et des genoux. Ne vous avisez pas d’utiliser vos mains ! Pas de limite de temps ; le jeu est fini lorsqu’une des deux équipes a atteint 21 points. Pour un observateur assistant pour la première fois au spectacle – parce qu’il s’agit d’un véritable spectacle -, ce mélange d’acrobaties, de pas de danse et de mouvements plus brusques, est fascinant. D’aucuns en vanteraient même les vertus méditatives, tant il faut rester focalisé sur son corps et sur la balle… Imaginez-vous, des joueurs concentrés répétant les mêmes mouvements sans se lasser, sautant le plus haut possible pour attraper la balle avec leurs pieds, et la renvoyer avec précision à une vitesse allant jusqu’à 150 km/h ! Avant de retomber sur la tête, le dos, ou les épaules, sans le moindre mal… Le tout avec un esprit de solidarité remarquable, car chaque joueur est mis à l’œuvre pour remporter le plus de points possibles. Le nombre de joueurs n’est pas fixe, chacun peut rentrer sur le terrain, ce qui en fait un sport véhiculant un réel esprit de communauté. Lors des festivals, les compétitions de chinlone sont de plus accompagnées de musique. Des percussions ainsi que des instruments à vent adaptent leur tempo au rythme imposé par les joueurs. Nous vous avions prévenu, la convivialité est de mise !

En Birmanie, le matériau utilisé pour la balle, traditionnellement du rotin, est présent à profusion dans les forêts du pays, ce qui la rend facile à fabriquer, et explique sa présence à faible prix sur un grand nombre de marchés, et donc la popularité de ce sport. De nombreux clubs existent à travers le pays, mais pas seulement. Il y en a également dans les autres pays asiatiques, et même dans la plupart des pays du monde ! La Fédération Internationale de sepak takraw a d’ailleurs été créée en 1988, et compte aujourd’hui 31 pays en son sein. Le chinlone a même fait son entrée dans les disciplines officielles des Southeast Asian Games (SEA Games), l’équivalent des jeux olympiques sud-asiatiques, lors de l’édition de 2013 à Naypyidaw. Depuis 2003, la Fédération des Associations Européennes de Sepak takraw organise des compétitions, principalement entre l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Hongrie, l’Italie et la Suisse. Et c’est l’Allemagne qui, la majeure partie du temps, l’emporte ! Le club Takraw Cologne ’03 rafle tous les prix, classant l’équipe allemande comme meilleure équipe non-asiatique lors des compétitions internationales.

Ne vous attendez tout de même pas à retrouver ce sport de la même façon en Europe qu’en Asie. Il reste méconnu, et joué seulement par des groupes d’initiés. Le phénomène inverse existe aussi : des sports occidentaux tendent à gagner du terrain en Asie du Sud-Est. Le football, par exemple, représente la modernité, et attire les élites politiques et économiques. Mais il est loin d’être aussi populaire que le chinlone. Au détour d’une rue, les enfants voltigeant autour d’une petite balle entre les voitures et les étalages de marché font toujours partie du paysage urbain.

Par Marie-Sophie Villin